Le 22 juillet 2005, Jean Charles de Menezes, jeune électricien brésilien de 27 ans, est exécuté à bout portant dans une rame de métro à Stockwell, au sud de Londres. Sept balles dans la tête, tirées par la police britannique qui croyait avoir affaire à un kamikaze. Il n’était ni armé, ni dangereux, ni suspect. Il n’était que brun, mal placé, au mauvais moment.

Près de vingt ans plus tard, Disney+ exhume cette affaire dans une mini-série en quatre épisodes au titre sobre et dérangeant : Mauvais suspect (Suspect: The Shooting of Jean Charles de Menezes en VO). Le choix du mot “mauvais” n’est pas anodin : il interroge autant sur l’erreur d’identification que sur la brutalité du système qui l’a produite.

Rejouer l’irréparable

Écrite par Jeff Pope (Philomena, Little Boy Blue) et réalisée par Paul Andrew Williams, la série se refuse à tomber dans le piège du thriller. Pas de mystère à résoudre ici. L’objectif est autre : reconstruire avec rigueur ce que l’administration britannique a mis des années à admettre. À savoir : une série de décisions précipitées, des dysfonctionnements systémiques, et une institution incapable de reconnaître sa faute.

Edison Alcaide incarne Jean Charles, dans un rôle aussi effacé qu’émouvant — car la série ne cherche pas à en faire un héros, mais un être humain, victime d’un engrenage bureaucratique et sécuritaire. À ses côtés, Daniel Mays, Conleth Hill, Russell Tovey, Emily Mortimer et Max Beesley incarnent les figures des services secrets et de la police métropolitaine, empêtrés dans leurs responsabilités, leurs non-dits et leurs erreurs en chaîne.

 

Londres en alerte, logique de guerre

L’action se situe quelques jours après les attentats du 7 juillet 2005, qui ont fait 52 morts et plongé Londres dans un état de panique chronique. Le climat est délétère. Les agents du MI5 veulent agir vite, les opérations sont bâclées, les ordres contradictoires circulent, la peur guide les décisions.

Jean Charles est pris en filature, coincé dans une rame, puis abattu devant les passagers. Pas d’injonction, pas d’arrestation. Juste une certitude : mieux vaut tirer trop tôt que trop tard. Le reste n’est que déni et bricolage institutionnel.

Une œuvre politique plus que dramatique

Mauvais suspect ne cherche pas à rejouer les faits comme une fiction judiciaire. Elle fait le choix de montrer la mécanique froide de l’erreur. La série assume une esthétique sobre, presque administrative, et s’appuie sur des sources rigoureuses : rapports officiels, témoignages, transcriptions d’enquête. La famille de Jean Charles a d’ailleurs collaboré à la production pour garantir la justesse du récit.

Ce n’est donc pas une série “émotionnelle”, mais une série de confrontation. Confrontation entre faits et version officielle. Entre citoyen et État. Entre sécurité et responsabilité.

Une réception critique lucide

La presse britannique a accueilli la série avec respect. Le Financial Times parle d’”œuvre méthodique et glaçante, sans pathos, mais où chaque geste a du poids”. The Guardian, de son côté, salue “une clarté presque clinique dans l’horreur, qui rend justice au chaos institutionnel du moment”.

Infos pratiques

  • Titre : Mauvais suspect
  • Disponible sur : Disney+
  • Créateurs : Jeff Pope (scénario), Paul Andrew Williams (réalisation)
  • Format : Mini-série (4 épisodes)
  • Langue : Anglais (VO), sous-titrée en français
  • Date de sortie : 30 avril 2025