On croyait avoir laissé Louison en équilibre instable mais apaisé, quelque part entre ses diagnostics et ses tentatives de faire tenir le réel sur des échafaudages affectifs branlants. Cinq ans plus tard, elle revient. Toujours aussi directe, toujours neuro-atypique, toujours pas ajustée aux conventions — et tant mieux. Aspergirl saison 2 débarque le 17 juin sur OCS, et à ceux qui pensaient que la série allait s’assagir, autant vous prévenir : on est plus près du dérapage contrôlé que du parcours fléché.

Créée par Judith Godinot et Hadrien Cousin, la série n’a jamais cherché à “expliquer” l’autisme. Elle le fait vivre, par saccades et fulgurances, à travers une comédie dramatique où chaque dialogue sonne comme une tentative bancale (et donc touchante) d’entrer en relation. Louison, interprétée par une Nicole Ferroni en état d’hypersensibilité permanente, est tout sauf un stéréotype. Elle avance, elle rate, elle insiste. Et quand son fils revient avec un projet de départ pour Mars, tout vacille — parce que fuir la planète, c’est aussi abandonner les siens.

La SF comme déclencheur intime

Dans cette saison 2, Guilhem, le fils, revient dans la vie de Louison avec une idée absurde : intégrer une mission de colonisation martienne. Louison, qui peine déjà à gérer les conventions sociales sur Terre, va devoir lutter contre un projet qui incarne le refus ultime du lien. La série transforme ainsi la SF en ressort émotionnel : partir pour Mars, c’est refuser d’affronter la complexité du quotidien, fuir la communication non fluide, les repas inconfortables, les silences mal placés. C’est un fantasme de contrôle, auquel Louison oppose la réalité chaotique de la vie partagée.

Un casting précis, une réalisation au cordeau

Côté distribution, Arthur de Crépy, Louise Massin, Suzanne de Baecque, Marc Fraize, Eva Rami, et d’autres visages du théâtre et de la scène indépendante donnent corps à un univers où le jeu repose sur l’imprévisible. La réalisation, assurée par Alice et Rose Philippon, continue de privilégier l’intime à la mise en scène frontale : peu d’esbroufe, beaucoup de justesse.

Ajoutez à cela une bande originale signée Fred Avril, et vous obtenez une série à la fois douce et abrasive, pleine de dissonances choisies.

Aspergirl, série rare et politique

On ne le dira jamais assez : Aspergirl ne cherche pas à cocher des cases. Elle ne normalise pas l’autisme, elle ne le dramatise pas non plus. Elle le montre, dans tout ce qu’il implique d’angle mort social et de lumière crue. Ce n’est pas une série “sur l’autisme” : c’est une série sur la tentative d’être au monde, quand celui-ci a été construit sans vous demander votre avis.

Dans un paysage audiovisuel français souvent frileux dès qu’il s’agit de parler de neurodivergence autrement que par le prisme du drame, Aspergirl assume son ton à part. Et c’est justement cette voix dissonante qui donne envie d’y rester.

Fiche technique

  • Titre : Aspergirl – Saison 2
  • Création : Judith Godinot, Hadrien Cousin
  • Réalisation : Alice Philippon, Rose Philippon
  • Avec : Nicole Ferroni, Arthur de Crépy, Louise Massin, Suzanne de Baecque, Marc Fraize, Eva Rami…
  • Musique originale : Fred Avril
  • Production : Kwaï, avec le soutien de la SACD et OCS
  • Diffusion : À partir du 17 juin 2025 sur OCS