Quinze ans après Embrassez qui vous voudrez, Michel Blanc rouvre le bal. Mais ici, point de nostalgie ni de retour complaisant : Voyez comme on danse (2018), diffusé ce soir sur France 2, regarde le temps non comme une cicatrice, mais comme une matière vivante. Les personnages ont vieilli, leurs illusions se sont effritées, leurs maladresses sont intactes. Et c’est dans cette humanité cabossée que le film trouve son tempo.
Des destins qui s’entrecroisent
Julien (Jean-Paul Rouve) se croit suivi, paranoïa d’un homme ordinaire qui se délite. Sa femme, Lucie (Carole Bouquet), encaisse, distante, fatiguée. Leur fils Alex (William Lebghil) apprend qu’Eva, une lycéenne de dix-sept ans, est enceinte ; sa mère, Véro (Karin Viard), s’enfonce dans les dettes et la confusion. Pendant ce temps, Elizabeth (Charlotte Rampling) cherche un mari volatil (Jacques Dutronc), et Serena (Sara Martins), maîtresse de Julien, pressent qu’on lui ment. Au milieu de ce théâtre social, Loïc (Guillaume Labbé), fils de Véro, semble être le seul à tenir debout — fausse impression : il ploie simplement mieux que les autres.
Une comédie chorale douce-amère
Blanc orchestre tout cela avec une ironie tendre. Son cinéma, ici, n’essaie plus de faire rire à tout prix : il ausculte les micro-fractures, les dérapages intimes, les peurs qui rongent. Voyez comme on danse n’est pas une comédie au sens léger du terme ; c’est un film sur la maladresse de vivre, sur ces vies qui s’entrechoquent sans jamais vraiment s’accorder. Le rire, lorsqu’il surgit, a ce goût d’amertume propre aux lendemains sans solution.
Un “puzzle blanc” sur le passage du temps
Le réalisateur parle de ce projet comme d’un “puzzle blanc” : quinze ans de silence entre deux films, quinze ans pendant lesquels ses créatures ont vieilli sans qu’il les voie. Retrouver leur trace, c’est les confronter à l’époque : crise économique, anxiété morale, amour liquide. D’où cette sensation de mouvement ralenti, de danse qui tourne en rond — à la fois élégante et bancale.
Un film imparfait, mais lucide
Si le film a divisé la critique, c’est qu’il avance à contre-courant. Certains y voient une chronique trop sage, d’autres une œuvre mineure dans la filmographie de Blanc. Mais sous la surface, il y a ce ton juste : la façon de regarder ses personnages sans les juger, de mêler ironie et tendresse sans cynisme.
Voyez comme on danse n’a pas le panache d’un grand film choral, mais il possède une chose rare : une lucidité bienveillante. Ce soir sur France 2, on y croisera des visages qu’on croyait connaître, des amours en déroute, des mensonges en apnée — et, surtout, cette conviction douce que continuer à danser, même maladroitement, vaut encore la peine.