Et si aimer ne signifiait plus choisir ? Le 5 novembre 2025, Netflix dévoile Tout simplement Alicia (Simplemente Alicia), une série colombienne signée Rafael Martínez et Catalina Hernández, qui s’empare d’un sujet aussi inattendu que dérangeant : la bigamie féminine. Loin du scandale ou du mélodrame, cette fiction produite par Estudios RCN préfère aborder la transgression par la légèreté et l’humour, sans jamais perdre de vue sa portée morale.
Une héroïne qui refuse le dilemme
Alicia, interprétée par Verónica Orozco, a quarante ans, une vie bien remplie et deux amours qu’elle refuse de hiérarchiser.
Avec Alejo (Michel Brown), écrivain sentimental et fidèle, elle partage la tendresse et la stabilité. Avec Pablo (Sebastián Carvajal), ex-prêtre et activiste, c’est la passion et le chaos. Quand le mensonge devient la seule manière de préserver sa vérité, Alicia choisit de ne pas choisir.
Cette mécanique amoureuse improbable devient le moteur d’une satire douce-amère où chaque geste quotidien — un dîner reporté, une caresse volée, un mensonge improvisé — prend la dimension d’un combat pour exister hors des cadres.
Une série qui déplace les lignes du genre
Si Tout simplement Alicia séduit déjà la critique colombienne, c’est qu’elle bouscule la grammaire classique de la telenovela.
Le ton, à mi-chemin entre chronique sociale et comédie sentimentale, rappelle davantage les œuvres de Catalina Porto ou les drames introspectifs d’Ana de Nadie que les romances télévisées traditionnelles.
La série interroge frontalement une question rarement formulée à l’écran : pourquoi la liberté sentimentale reste-t-elle un privilège masculin ?
Les scénaristes Daniel Ucrós et Juan Pablo Posada composent une écriture fine, teintée de mélancolie et d’ironie, qui évite la provocation gratuite. Alicia n’est pas une manipulatrice : elle devient le miroir d’une société encore incapable d’admettre que la fidélité, elle aussi, peut se réinventer.
Le triangle amoureux comme miroir du monde
Au fil des épisodes, la série met en scène un triangle amoureux moins passionnel que politique.
Michel Brown incarne un romantique à l’ancienne, prisonnier de son propre idéalisme, tandis que Sebastián Carvajal joue la tentation du désordre, celle d’un amour total, presque mystique.
Entre eux, Verónica Orozco déploie une justesse rare : elle fait d’Alicia une femme lucide, à la fois maîtresse de son destin et victime d’un système qui ne laisse aucune place à l’ambiguïté.
Les extraits diffusés par Netflix Colombie laissent entrevoir un ton feutré, presque théâtral, où la mise en scène oppose l’espace du foyer — lumineux, ritualisé — à celui du mensonge, filmé comme un acte de survie.
Plus qu’une provocation : un constat social
Sous ses airs de comédie sentimentale, Tout simplement Alicia aborde des thèmes plus profonds : le poids du regard social, la solitude dans le couple et la difficulté d’être femme dans un pays où la morale catholique reste omniprésente.
Le show s’inscrit dans un courant fort des fictions latino-américaines récentes — celui des récits féminins affranchis, à l’image de La Primera Vez ou Las Villamizar.
Dans une interview accordée à RCN, Verónica Orozco résumait ainsi la philosophie de la série :
« Alicia ne veut pas tromper, elle veut aimer. Mais aimer pleinement, c’est déjà transgresser. »
Un propos qui résume la force du projet : celle de parler d’amour sans complaisance, d’humour sans moquerie, et de morale sans sermon.
