Alors que Titan : Le naufrage d’OceanGate s’impose actuellement dans le Top 10 des programmes les plus visionnés sur Netflix, une figure cristallise toutes les interrogations, toutes les passions, toutes les zones grises : celle de Stockton Rush, fondateur et dirigeant d’OceanGate, disparu dans l’implosion du sous-marin Titan lors de l’expédition vers l’épave du Titanic en juin 2023.
À travers images d’archives, extraits d’interviews et témoignages inédits, le documentaire donne à voir un personnage aussi complexe qu’iconoclaste. Mais au-delà du récit, il pose une question dérangeante : qui était vraiment cet homme qui se rêvait en pionnier des abysses ?
L’ingénieur devenu entrepreneur
Issu d’une famille prestigieuse (il est un lointain descendant de deux signataires de la Déclaration d’indépendance), Stockton Rush avait tout du rêveur qui croit en la réinvention du monde. Formé à Princeton en ingénierie, il a d’abord voulu devenir pilote de chasse avant de se tourner vers les fonds marins. C’est là qu’il voit un potentiel inexploité : celui du tourisme extrême sous-marin. OceanGate naît avec cette ambition.
Mais très vite, l’utopie technologique flirte avec la prise de risque permanente.
Une vision sans garde-fous
Rush ne s’en est jamais caché : il considère les normes de sécurité comme un frein à l’innovation. Il défend publiquement une approche “disruptive”, utilisant des matériaux non homologués comme la fibre de carbone, rejetant les certifications officielles, et traitant la prudence comme une relique de l’ancien monde. Le documentaire révèle les tensions internes, les alertes ignorées, les emails restés sans réponse, les démissions de collaborateurs inquiets.
Il se forge alors une image de “visionnaire incompris”, de ceux qui vont là où personne n’ose s’aventurer.
L’échec tragique d’un mythe en construction
Le naufrage du Titan, qui a coûté la vie à cinq personnes, a agi comme une onde de choc mondiale. Le documentaire de Netflix revient sur les jours précédents la descente, la fascination qu’exerçait Rush sur ses clients, et le silence abyssal des heures qui ont suivi la perte de contact. Il interroge surtout l’écart entre l’ambition affichée et les moyens mis en œuvre.
Le portrait dressé n’est ni à charge, ni apologétique. Il oscille entre admiration pour une audace hors normes et sidération face à un aveuglement presque suicidaire.
Une figure symptomatique de notre époque
Stockton Rush apparaît comme un archétype moderne : celui de l’entrepreneur qui veut transcender les règles au nom de la liberté, du progrès ou de l’ego. Il convoque à la fois Elon Musk, Elizabeth Holmes, et des figures du mythe américain de la frontière. Il fascine autant qu’il dérange.
En intégrant le Top 10 de Netflix, Titan : Le naufrage d’OceanGate révèle que le public ne se passionne pas seulement pour les faits, mais pour les ambiguïtés morales et psychologiques qui les sous-tendent. Et Rush, dans ce jeu trouble, devient un miroir de nos contradictions collectives.