Sur le papier, Les Âmes sœurs pourrait n’être qu’un drame psychologique de plus autour du traumatisme post-guerre. Mais entre les mains d’André Téchiné, c’est une autre histoire : celle d’une fracture intime entre un frère revenu du front et une sœur qui tente de le retenir à la vie. Diffusé ce mardi 5 novembre à 20h55 sur Arte, le film, porté par Noémie Merlant et Benjamin Voisin, interroge la mémoire, le lien du sang et les zones d’ombre de la reconstruction.

Une histoire d’après-guerre, sans héros ni rédemption

David (Benjamin Voisin) revient du Mali, soldat amnésique, blessé autant dans son corps que dans son identité. Jeanne (Noémie Merlant), sa sœur, l’accueille dans sa maison familiale en Ariège, au pied des Pyrénées. Dans ce refuge où la nature semble vouloir panser les plaies, le silence devient un personnage à part entière.
Mais ce répit apparent vacille à mesure que le passé refait surface : les gestes du frère, ses réactions, son absence de souvenirs construisent une tension sourde entre compassion et peur.

 

Téchiné ne cherche pas à expliquer ; il observe. Le film ne raconte pas le retour d’un héros, mais le vacillement d’un être dont la guerre a brouillé les repères – et celui d’une sœur partagée entre amour fraternel et inquiétude.

Téchiné, portraitiste du trouble

À 80 ans passés, André Téchiné continue d’explorer ces zones de flou où se mêlent morale, désir et culpabilité. Coécrit avec Cédric Anger, Les Âmes sœurs s’inscrit dans la lignée de ses œuvres récentes (Nos années folles, La Fille du RER, L’Adieu à la nuit) : un cinéma du tremblement, lucide mais jamais théorique, où chaque plan scrute la fragilité des émotions humaines.

Un duo habité

Noémie Merlant prête à Jeanne une force mêlée d’impuissance, dans la lignée de ses rôles introspectifs (Portrait de la jeune fille en feu, Tár). Benjamin Voisin, lui, abandonne l’élan romanesque de Illusions perdues pour une présence plus brute, plus opaque : un homme redevenu enfant, prisonnier de son propre vide.

Autour d’eux, Audrey Dana et André Marcon complètent la distribution avec justesse, apportant au film une respiration sociale et familiale – ces figures de proximité qui observent sans pouvoir réparer.

Un drame sur la mémoire, pas sur la guerre

Tourné dans le Pays de Sault et la haute vallée de l’Ariège, le film retrouve ce que le cinéma de Téchiné sait faire de mieux : lier les paysages à l’état intérieur des personnages. Les montagnes deviennent miroir de la conscience, refuge et menace à la fois.
Plutôt qu’un récit sur le conflit malien, Les Âmes sœurs s’attache à ce qui suit : le vide laissé par la guerre, l’effacement de soi, la difficulté d’aimer quand on ne se reconnaît plus.

 

En résumé

Diffusion : Mercredi 5 novembre 2025 à 20h55 sur Arte
Réalisation : André Téchiné
Avec : Benjamin Voisin, Noémie Merlant, Audrey Dana, André Marcon